Lussekatter - Brioches safranées de la Sainte-Lucie
Une autre preuve que les Norvégiens demeurent attachés à leurs traditions : le 13 décembre et les célébrations de la fête de la Sainte-Lucie. La Luciadagen, soulignée dans toute la Scandinavie, est une tradition lumineuse qui mêle racines païennes nordiques et mémoire chrétienne. Elle incarne le passage de l’obscurité hivernale vers l’espérance de la lumière.
__ COUTUME CHRÉTIENNE ET LÉGENDE PAÏENNE
Dans les temps anciens, le 13 décembre était considéré comme la nuit la plus longue de l’année. Le folklore norvégien raconte qu’une créature appelée Lussi — parfois vue comme une sorcière ou un troll — rôdait dans l’obscurité. On croyait qu’elle punissait ceux qui ne respectaient pas le repos ou qui n’avaient pas terminé leurs travaux avant cette nuit. Les enfants turbulents étaient menacés, et l’on donnait une ration spéciale aux animaux, car on pensait qu’ils pouvaient parler ce soir-là. Cette ambiance mystérieuse liait la fête au solstice d’hiver, symbole de la lutte contre les forces obscures.
La fête honore aussi Lucie de Syracuse, une jeune chrétienne martyrisée en Sicile vers l’an 300. Selon la légende, elle portait une couronne de bougies pour garder les mains libres et apporter de la nourriture aux chrétiens cachés dans le noir. Son nom vient du latin lux (« lumière »), ce qui en fait une figure d’espérance et de clarté au cœur de l’hiver.
De nos jours en Norvège, cette journée est surtout célébrée par une messe suivie d’une procession aux chandelles, particulièrement dans les écoles. Un enfant élu (souvent une fille), déguisé en Sainte-Lucie, vêtu d'une robe blanche et d'une couronne de bougies sur la tête, ouvre la marche. Les autres enfants suivent, également vêtus de blanc, chandelle à la main, en entonnant des chants dont le classique «Santa Lucia». Au fil du cortège, les enfants distribuent des brioches au safran, les fameuses Lussekatter, symbolisant la lumière du christianisme dans les ténèbres du monde. Ces brioches sont une coutume suédoise transmise aux Norvégiens et est devenue une tradition gourmande incontournable des fêtes de fin d'année, à l'approche de Noël et du véritable solstice d’hiver.
__ DES BRIOCHES TOUTES SIMPLES, MAIS SI CONVOITÉES
Les lussekatter, ces brioches dorées au safran portent en elles, tout comme la fête de la Sainte-Lucie, une histoire singulière. Leur nom, qui signifie littéralement « chats de Lusse », renvoie à une croyance populaire selon laquelle Lucifer, déguisé en chat, rôdait dans la nuit la plus longue de l’année pour effrayer les enfants turbulents. Pour conjurer ces ténèbres, on préparait des petits pains colorés de safran, dont l’éclat doré symbolisait la lumière divine et repoussait les forces obscures.
Aussi, dans les rites nordiques, le pain façonné en formes spiralées ou en simples S, orné de raisins secs, évoque à la fois le mouvement du soleil et la chaleur partagée autour de la table. Aujourd’hui encore, leur parfum de safran et leur couleur lumineuse rappellent que cette fête est avant tout une victoire de la clarté sur l’obscurité hivernale, un geste gourmand qui relie la mémoire des anciens aux célébrations modernes.
__ UNE RECETTE FACILE ET PORTEUSE DE LUMIÈRE
Préparer des lussekatter, c’est entrer dans le cœur lumineux des traditions scandinaves. La préparation est simple mais demande un peu de patience : on pétrit une pâte moelleuse, on la laisse lever, puis on façonne les brioches en forme de « S » ou de spirales avant de les garnir de quelques raisins secs.
C’est une recette qui se partage volontiers en famille ou entre amis : chacun peut participer, que ce soit pour pétrir, rouler la pâte ou décorer. Et quand les lussekatter sortent du four, encore tièdes et parfumés, il n’y a rien de plus convivial que de les déguster ensemble avec un cidre chaud, un thé, un chocolat chaud ou encore avec un traditionnel gløgg, l’incontournable vin chaud du temps des fêtes.
Lys og glede på Liciadagen !
LUSSEKATTER - BRIOCHES SAFRANÉES DE LA SAINTE-LUCIE
__ INGRÉDIENTS
150g de sucre
¼ c. à thé de safran
1 c. à thé de brandy
150g de beurre non salé + 2 c. à soupe, fondu pour badigeonner
500ml de lait
17g de levure instantanée
2 œufs + 1 œuf battu pour la dorure
900g de farine tout usage
1 c. à thé de cardamome moulue (facultatif)
raisins secs
__ PRÉPARATION
Moudre 1 c. à soupe du sucre avec le safran à l’aide d’un mortier. Transférer dans un petit bol et ajouter 1 c. à soupe d’eau bouillante et le brandy. Bien mélanger pour dissoudre le sucre et laisser infuser au moins 10 minutes.
Faire fondre le beurre dans une petite casserole. Retirer du feu et ajouter le lait, la levure et la solution safranée. Ajouter le sucre restant et y battre les œufs. Transférer le tout dans un grand bol ou au batteur sur socle muni du crochet à pâte. Ajouter la farine, le sel et la cardamome. Mélanger 5 à 7 minutes jusqu’à l’obtention d’une pâte homogène, mais toujours assez collante. Transférer sur le plan de travail et terminer le pétrissage à la main 3 à 5 minutes, la pâte doit être lisse et bien élastique sans se déchirer lorsque tirée. Bouler et laisser reposer la pâte recouverte d’un linge pendant 1 heure dans un endroit chaud et humide.
Diviser ensuite la pâte en 16 parties égales et rouler chacune d’elles en un boudin de 30cm. Façonner ensuite en petits «chats» en formant des S. Déposer sur deux plaques chemisées de papier parchemin. Couvrir et laisser reposer à nouveau au moins 30 minutes.
Préchauffer le four à 425°F. Garnir les volutes des brioches de deux raisins secs et badigeonner d’œuf battu pour la dorure. Cuire au four 10 à 15 minutes jusqu’à ce que les brioches commencent à bien dorer. Au sortir du four, badigeonner de beurre fondu pour leur donner un beau lustre.
Rendement : 16 brioches
Photos : Jonathan Michaud / Recette : sources diverses
__ NOTES
Le petit mélange d’infusion safrané peut se faire longuement à l’avance pour que les parfums se déploient le plus possible. Le brandy est facultatif, mais il accentue encore plus le goût du safran si on n’a pas le temps de faire l’infusion d’avance.
La pâte à lussekatter est relativement collante, mais il faut se retenir d’ajouter trop de farine car les brioches se façonnent plus facilement lorsqu’elles adhèrent un peu. Trop de farine, sur la surface de travail par exemple, empêche de former un beau boudin puis une belle spirale qui garde sa forme.
La cardamome est facultative, mais plusieurs versions norvégiennes de cette recette originalement suédoise en ajoutent. Comme les Norvégiens sont très friands de cardamome, je veux les mettre de mon côté!
Le temps de repos est primordial aussi entre les étapes soit après le pétrissage puis après le façonnage. Si votre pâte ne lève pas beaucoup, c’est probablement que votre levure est trop vieille ou qu’elle n’a pas assez agit dans le lait tiédi. Le meilleur endroit pour faire pousser une pâte au repos est dans une salle de lavage pendant un cycle de séchage alors que l’air est chaud et humide ou encore au four avec un bol d’eau à température minimale, parfois la température des ampoules allumées suffit. Certains fours sont aussi munis d’une fonction Proof qui peut s’avérer très pratique.
Je voulais conserver les brioches le plus jaune possible, mais normalement les Scandinaves poussent un peu plus la cuisson pour bien les dorer surface. D’où l’importance de la dorure. Par la suite, après cuisson, badigeonner de beurre fondu pour que les lussekater soient bien brillants.
Les lussaketter se consomment tiède et de préférence le jour même. Ils se conservent très peu longtemps car ils ont tendance à sécher rapidement. S’ils deviennent trop durs, simplement les faire chauffer quelques minutes au four. Il est aussi possible de les congeler pour ne pas les perdre et question d’en avoir sous la main quand le cœur nous en dit.
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