Fårikål - Mijoté traditionnel norvégien d'agneau au chou
Avec toutes les recettes norvégiennes que je vous partage sur ce journal de cuisine, je m’étonne moi-même de ne pas vous avoir encore présenté LE plat national du pays! Je remédie à ça à l’instant! Place au traditionnel fårikål !
En 1927, le fårikål a effectivement été élu par scrutin populaire «plat national norvégien». Il s’agit d’un ragoût rustique et réconfortant à base de mouton (får - en danois / sau en norvégien) ou d’agneau et de chou (kål), mijoté lentement avec du poivre noir en grains et du sel. Son nom signifie littéralement «mouton dans le chou», et il est traditionnellement dégusté à l’automne, notamment le dernier jeudi de septembre, lors de la journée officielle du fårikål, le Fårikålens Festdag. En cette année 2025, ça tombe donc aujourd’hui!
__ LES ORIGINES DU PLAT
La Norvège n’est pas le seul pays à servir des plats mijotés combinant mouton et légumes. Il existe différentes versions dans la plupart des pays riverains de la mer du Nord. Le fårikål norvégien est composé de viande et de chou, ajoutés en alternance dans une grande marmite. Ce plat, originalement présent dans les livres de cuisine allemands dès le XVIIIe siècle, s'est répandu vers le nord jusqu'au Danemark (d’où le nom får), est par la suite apparu dans les livres de cuisine norvégiens de l'élite au XIXe siècle et est devenu partie intégrante du régime alimentaire national norvégien au début du XXe siècle. Il y a donc près de cent ans. Un plat aussi jeune que le pays lui-même! Une tentative de «norvégianiser» le nom du plat a été tenté avec les termes sauikål ou lamikål, mais c’est l’appellation en danois qui tient toujours de nos jours.
__ LA TRADITION DU SAUESANKING
Tous ceux qui vont en Norvège et partent sur un roadtrip estival sont frappés par la forte présence de moutons en liberté dans les montagnes et les prés du pays. Certains viennent même gérer la circulation automobile alors qu’ils se tiennent souvent aux abords des routes si ce n’est pas carrément dessus forçant tout le monde à ralentir ou même arrêter. Si c’est la nature qui décide de tout en Norvège, il en va de même pour les moutons! Soyez avisés!
Avec l'arrivée du mois de septembre, vient aussi le temps de ramener toutes ces bêtes au bercail. C’est le Sauesanking annuel qui consiste à rassembler les moutons après leur saison estivale de pâturage en liberté dans les montagnes. Chaque automne, les éleveurs, accompagnés de chiens de berger et parfois de bénévoles, partent à la recherche de leurs troupeaux dispersés sur de vastes terrains alpins. L’événement est si important qu’il peut même entraîner des fermetures temporaires de routes pour permettre la traversée des troupeaux!
Ce n’est donc pas qu’une tâche agricole : c’est une véritable expérience communautaire et culturelle avant que l’hiver ne s’installe pour de bon, où l’on marche dans des paysages spectaculaires, partage des repas autour d’un feu, et participe à un rituel vieux de plusieurs siècles. Les bénévoles sont souvent invités à se joindre à cette aventure, vivant des journées intenses de march, et de symbiose avec la nature. Si la météo est favorable, cette expérience est considérée comme l'une des plus belles et remarquables excursions en nature.
Une fois tout le monde bien rentrés, l'inévitable doit se produire. Une grande partie des moutons, devenus grands et forts, partent directement des pâturages pour l'abattoir. D'autres passent quelques semaines supplémentaires à la ferme pour atteindre le poids idéal. C'est la période de l'année (hormis le début du printemps) où le mouton devient l’élément principal de nombreux plats. Après avoir brouté les herbes sauvages, la viande acquiert une saveur exceptionnelle. Le plat préféré pour présenter une telle abondance de produits en automne est sans doute le fårikål. Ce plat est particulièrement apprécié car ses ingrédients représentent parfaitement la Norvège en cette saison : du mouton ou de l'agneau des montagnes, du chou frais cultivé tout au long de l'été et des pommes de terre fraîchement cueillies. Mis ensemble, ils forment un petit morceau de Norvège à apprécier dès l’arrivée de l’automne et marque le retour des plats réconforts.
__ UN PLAT SIMPLE ET RASSEMBLEUR
Le fårikål est incroyablement simple à préparer. Des couches de quartiers de chou sont déposés en alternance avec des morceaux d'agneau dans une grande marmite et simplement parsemés de grains de poivre noir entiers et de sel. On peu choisir d’ajouter un peu de farine également pour épaissir la sauce finale. Le tout mijote doucement dans l’eau et le jus de végétation du chou. Tout simplement. Des versions plus modernes invitent à ajouter un peu de bière brune au plat question d’ajouter encore plus de saveur et c’est aussi ce que je propose dans la recette qui suivra.
Dans ce nouveau monde où tout doit aller vite, on réserve aujourd’hui ce plat mijoté longuement pour les grandes occasions et les repas en groupe. C’est donc un choix rassembleur pour nourrir beaucoup de monde! Le Fårikålens Festdag (jour de festin) est même devenu une fête nationale. Le dernier jeudi de septembre et une des journée où il se consomme le plus d’agneau dans tout le pays!
C'est un plat savoureux, encore meilleur le lendemain ou le surlendemain. Vous verrez, il n’est pas si différent de notre classique bouilli de légumes au bœuf. Mais je suis charmé par sa simplicité rustique aux allures très modestes. Servez-le avec des pommes de terre au beurre et aux herbes, du pain plat et un bon verre de bière brune locale. Comme moi, vous aurez l'impression de savourer un petit morceau de Norvège et vous en serez fort heureux!
God Fårikålens Festdag og ha en fin høst! (Joyeux automne!)
FÅRIKÅL - MIJOTÉ TRADITIONNEL NORVÉGIEN D’AGNEAU AU CHOU
__ INGRÉDIENTS
3kg de viande d’agneau en gros morceaux et avec os (épaules, jarret, côtelettes de longe)
3kg de chou blanc, coupé en quartiers attachés au cœur
8 c. à thé de grains de poivre noir entiers
4 c. à thé de sel
3-4 c. à soupe de farine (facultatif)
400ml d’eau + 250ml de bière brune (ou 650ml d’eau seulement)
__ PRÉPARATION
Disposer une couche d'agneau fariné au fond d’une grande marmite ou d’un faitout, saler et ajouter une partie du poivre en grains puis saupoudrer d’une partie de la farine (si utilisée). Ajouter un étage de quartiers de chou. Répéter l'opération avec les ingrédients restants, en terminant par un dernier étage de chou. Idéalement, pour cette quantité, le tout donne 3 étages de viande avec les assaisonnements et 3 étages de chou.
Verser l’eau et la bière (si utilisée), couvrir et porter à ébullition. Baisser le feu et laisser mijoter doucement jusqu'à ce que la viande soit tendre et se détache facilement de l'os, entre 2h et 2h30. Le chou contient beaucoup d'eau qui se dégagera pendant la cuisson. Sinon, ajuster en ajoutant un peu d’eau au besoin pendant la cuisson.
Servir chaud avec des pommes de terre bouillies ou vapeur garnies d’herbes et de beurre ainsi que de pain plat ou croûté.
10 à 12 portions
Photos : Jonathan Michaud / Recette : références diverses
__ NOTES
Cette recette est standardisée pour nourrir un régiment, je sais. 3kg d’agneau et 3kg de chou, c’est fait beaucoup! C’est pourquoi c’est un plat idéal à savourer en groupe. Il est possible que vous soyez obligés de diviser tout ça dans deux casseroles ou de réduire les quantités bien sûr en conservant les mêmes proportions. Il est normal que le couvercle ne ferme pas hermétiquement, mais le tout va réduire en volume lors de la cuisson. Si vous en avez trop, ce plat se congèle sans problème.
Pour un premier essai, retenez-vous d’ajouter d’autres ingrédients comme de l’oignon, de l’ail, des carottes, des herbes, etc. Le «mouton dans le chou» se veut très simple : du mouton et du chou. Pourtant, vous verrez que ce plat n’est pas plate du tout et ne manquera pas de saveur. Par la suite on pourra le réinterpréter à notre guise.
Le choix de la viande est primordial. Le mouton étant difficile à trouver, optons pour l’agneau bien entendu. Privilégiez les parties avec des os, ils ajouteront énormément de goût. Le gigot désossé ne se prête pas bien à ce plat. J’y suis allé avec des steaks d’épaule avec os et des morceaux de côtelettes de longe (facilement disponibles en grandes surfaces). Vous pouvez aussi passer chez votre boucher et acheter de l’épaule entière qui vient avec le jarret avant et lui demander qu’il vous le coupe en morceaux pour vous.
La bière brune dans la préparation est facultative, mais elle aussi donnera beaucoup de goût et ajoutera au parfum lors de la cuisson. Utilisez la même bière brune que vous prévoyez servir à table en accord mets-bière.
En accompagnement, les Norvégiens aiment beaucoup servir le fårikål avec des pommes de terre bouillies au beurre et aux herbes. Ils sont très friands de l’aneth et je les comprends! N’hésitez pas en mettre sur vos pommes de terre et même dans vos purées, c’est délicieux! Aussi, certains accompagnent ce plat mijoté avec la classique confiture d’airelles que l’on voit souvent en accompagnement des boulettes. C’est à votre guise.
Je vous propose de servir le fårikål tout simplement avec de l’aquavit (un eau-de-vie norvégienne) ou une bonne bière brune. Le vin étant très cher en Norvège, leur goût et leur expertise s’est développé pour la bière. Elle demeure tout de même un produit de luxe, tout produit d’alcool étant sévèrement réglementé là-bas. Mais comme au Québec, le pays foisonne de petites microbrasseries qui proposent des bières uniques, spécialisées et représentatives des régions où elles sont produites.
__ BONS PRODUITS : LES BIÈRES BRUNES
Très peu de bonnes bières norvégiennes sont acheminées chez-nous pour ne pas dire aucune. Même l’aquavit traditionnel n’est presque plus importé, les prix ayant explosés ces dernières années. De toute façon, beaucoup de microbrasseries du Québec proposent des assortiments de bières incroyables et il est facile de trouver des équivalences dans l’offre de plus en plus vaste.
Dans l’univers des bières brunes, un type de bière souvent boudé, plusieurs sortes se distinguent et méritent d'être découvertes. En premier lieu, les ales brunes, fermentées à des températures plus élevées, se démarquent par des arômes fruités et épicés. À l’opposé, les lagers brunes se fermentent à basse température, offrant une expérience plus douce et équilibrée. Ce sont deux belles entrées en matière pour découvrir les bière de ce type.
Voici une infime sélection de bières brunes québécoises qui se marient très bien avec le fårikål, autant comme ingrédient que comme accort mets-bière. Chacune avec sa propre personnalité, ne vous reste qu’à les essayer pour trouver votre préférée!
Les stouts, représentent une variété intéressante, quoi que un peu trop intenses à mon goût, très proche de la bière noire. Ces bières brunes, généralement très corsées, étonnent avec leurs notes de café intense et de chocolat amer. Les porters sont également renommées et elles sont mon premier choix pour la recette qui nous intéresse. Ces bières anglaises et écossaises apportant des saveurs assez riches mais légèrement moins puissantes que celles des stouts.
Bonnes découvertes!
Le fårikål est un plat que l’on ajoute au menu des pubs et restos en cette journée spéciale partout en Norvège. C’est le cas pour le Jonny’s Pub en plein cœur d’Oslo qui en plus de la bière et des chansonniers offrira le bon vieux fårikål… à 32$ l’assiette! Les places sont limitées… trop tard pour s’inscrire!
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viande - agneau - chou - bière - plats mijotés - plats réconfortants - cuisine du monde - cuisine nordique - Norvège